Une alliance citoyens - chercheurs

Pourquoi faire appel à des non-scientifiques pour recenser la biodiversité ?

Corneille baguéeInformations[1]

Il existe une réticence parfois exprimée concernant l'intérêt de faire appel au grand public pour recenser la biodiversité. Un spécialiste avec beaucoup d'expérience et qui connaît l'identification des espèces ne serait-il pas plus approprié ? Ne ferait-il pas un meilleur travail ?

La taxonomie, est la science de l'identification des taxons. Elle relève d'experts qu'ils soient professionnels ou non. Le problème avec les spécialistes c'est qu'ils ne sont pas assez nombreux ! Les programmes de sciences participatives permettent aux scientifiques « d'accumuler une grande quantité de données, qu'ils n'auraient pas obtenues par eux-mêmes » Romain Julliard (septembre 2010). Mais bien entendu, on n'attend pas des participants une connaissance d'expert !

Les protocoles sont pensés pour répondre à cette attente et de fait il n'est pas toujours demandé une identification jusqu'à l'espèce. Ce sont alors des morpho-espèces qui sont identifiées, c'est à dire un groupe d'espèce à l'écologie commune. Par exemple pour les vers de terre, on identifie des groupes selon leur occupation du sol.

Pour atteindre le grand nombre de données nécessaire, la nature des programmes est sélectionnée avec soin afin d'être faisable par le plus grand nombre tout en répondant à une question d'écologie. Les sujets abordés doivent aussi répondre aux intérêts des volontaires et favoriser leur épanouissement en abordant les aspects fascinants et merveilleux de la nature puisque le succès d'un programme dépend du public qui le fait vivre.

Les programmes de sciences participatives sont-ils vraiment fiables ?

Du fait de l'implication du grand public, certains scientifiques ainsi que certains citoyens doutent de la fiabilité des résultats des sciences participatives. Qu'ils se rassurent, comme le souligne Romain Julliard : « Les volontaires n'ont pourtant, à mes yeux, pas d'autre intérêt à participer que de faire les choses au mieux ». Il faut donc avoir confiance en ses observations si on les a faite au mieux, d'autant que « L'intérêt de ces programmes ne dépend pas de la fiabilité de chacune des données, mais plutôt du respect du protocole d'observation, et de la quantité d'informations récoltées ». Il n'y a donc aucune raison d'hésiter à participer ou de censurer ses données.

Ainsi, même si quelques réponses sont erronées et sortent du lot, la masse de données tend vers un résultat commun. De plus le taux d'erreur d'identification a pu être testé et est estimé à moins de 5% pour l'Observatoire des Papillons des Jardins. Il ne faut jamais oublier que ce risque n'est jamais nul même pour les plus compétents bien qu'il soit très important de le minimiser autant que possible !

Ces craintes que provoquent l'idée de faire participer le grand public oublient qu'au-delà de l'objectif principal, soit la collecte de données standardisées pour alimenter le travail des chercheurs, « ces programmes ne servent pas qu'à générer de nouvelles connaissances : ils contribuent aussi à éveiller l'intérêt du public pour la nature, et participent, nous l'espérons, à une meilleure perception des sciences. » Romain Julliard (septembre 2010).

La contribution des sciences participatives à la recherche

L'objectif affiché des programmes de sciences participatives est bien de contribuer à l'amélioration des connaissances scientifiques. Qu'en est-il réellement ?

Évolution du nombre de publications en sciences participatives dans le mondeInformations[2]

Dans leur rapport sur les sciences participatives (2016), Houllier, Merilhou-Goudard ont réalisé une analyse bibliographique pour évaluer l'apport des sciences participatives à la recherche. Ils ont recensé 4640 articles publiés depuis 1970. Ce corpus, et le graphique ci-dessous, montre que ces méthodes de recherches sont encore relativement marginale (à titre de comparaison, plus de 2 millions de publications scientifiques sont parues en 2014) bien qu'en croissance exponentielle à partir des années 2000. L'intérêt marqué pour les sciences participatives est donc récent.

A quoi servent les observations des citoyens en écologie ?

Avec toutes les données récoltées, les scientifiques peuvent aborder des questions concernant la biodiversité à grande échelle, dans l'espace ou le temps, comme par exemple les changements que la biodiversité subit et comprendre ainsi l'origine de ces variations. Pour ce faire, ils établissent des analyses statistiques et des représentations graphiques ou cartographiques. De certains de ces résultats sont tirés des indicateurs qui donnent des informations à chacun sur l'évolution de la biodiversité.

Ces recherches scientifiques permettent également de fournir des éléments factuels aux décideurs publics et de réfléchir ainsi collectivement à la préservation et la protection de la biodiversité.