Connaître la biodiversité ordinaire

Nous l'avons vu dans la partie précédente, la biodiversité rend beaucoup de services à l'homme (les fameux « services écosystémiques »). Par exemple, lorsque nous mangeons, nous respirons ou nous courons dans un parc nous sommes en contact avec la biodiversité et utilisons ses services d'approvisionnement, de régulation, de loisir... Il n'y a qu'à réfléchir et compter dans une journée le nombre d'éléments que l'on utilise et qui nous rattachent à la nature pour constater que nous y sommes très fortement liés.

Pourtant, nous avons peu conscience de ces services au quotidien et des chercheurs s'émeuvent d'une « perte d'expérience » avec la nature, en particulier dans le milieu urbain, chez les adultes et surtout les enfants ! Pour le psychologue Peter Kahn, cette perte de contact progressive amène à une amnésie environnementale générationnelle. Il compare la nature à une nourriture indispensable pour notre bonne santé : « Imaginez que votre nourriture favorite est la seule source d'un nutriment essentiel, dont l'absence dans l'alimentation entraîne un asthme léger et une augmentation du stress. Maintenant, imaginez une génération de personnes qui ont grandi dans un monde où cet aliment n'existe pas. Dans ce monde, personne ne se sent privé de cette nourriture si savoureuse (personne n'a jamais imaginé qu'elle pouvait exister) et tout le monde considère l'asthme léger et le stress comme une condition humaine normale ».

La diminution des relations positives avec la nature nous fait accepter des expériences pourtant négatives dans notre quotidien (comme la pollution), ce qui entraîne une souffrance psychologique et physique latente.

Ce phénomène est sans appel lorsqu'il concerne des jeunes en pleine construction d'identité. Cette perte de lien est à expliquer par la perte de biodiversité, un manque d'éducation mais aussi par le manque d'occasion de découvrir la biodiversité personnellement et sans contrainte ! Ce manque d'attachement aura des conséquences sur les choix du quotidien à l'âge adulte.

Les personnes qui ont un accès quotidien à la biodiversité ordinaire vivent avec les modifications de la faune et de la flore au fil des saisons. Ainsi leurs souvenirs sont souvent contextualisés en fonction de la nature, et d’événements récurrents ou exceptionnels qu'ils rencontrent au détour de leurs activités quotidiennes. À noter que cela ne les rend pas forcément favorables à ce contact, en particulier lorsque la nature est vécue comme une contrainte sur leurs pratiques.

Quand on ne dispose pas de cet accès quotidien, il est toujours possible de « prendre rendez-vous avec la biodiversité », c'est-à-dire d'aller à sa rencontre pour rechercher un contact en particulier. Cette recherche nécessite certaines connaissances qui peuvent être acquises théoriquement : quelle est la biodiversité autour de chez moi ? Qu'est-ce que je souhaite observer ? Où et quand l'observer ? Comment l'observer sans la perturber ? Ai-je le droit de me rendre à cet endroit ? Cette dernière question n'est pas la moindre car il existe une importante réglementation d'usage concernant presque tout espace non bâti. Cela sépare les espaces naturels des espaces où davantage d'activités humaines sont permises. Les contraintes de distance et d'accès ne facilitent pas la reconnexion à la nature.

Dans la vidéo que nous vous proposons de regarder, Nathalie Machon s'appuie sur l'approche des services écosystémiques pour mettre en évidence l'intérêt de préserver et de promouvoir la nature en ville. Service d'approvisionnement, service de régulation, service culturel et enfin service de support avec un large focus sur la pollinisation, en lien avec le programme de sciences participatives Sauvages de ma rue.