Vigie-Nature un programme scientifique pour étudier la biodiversité ordinaire
Un laboratoire de recherche classique peut étudier les fonctions écologiques, les processus et les mécanismes régissant le vivant à l'échelle d'un habitat ou d'une espèce. Mais se pencher sur cette question de recherche à l'échelle d'un pays et sur plusieurs années consécutives reste hors de portée des structures de recherche habituelles. Une telle approche suppose d'adopter d'autres pratiques de recherche. Une des solutions possible consiste à faire appel à de larges réseaux de collaborateurs pour collecter et faire remonter des données harmonisées (c'est-à-dire récoltées selon un protocole commun à toutes les observations pour qu'elles soient exploitables statistiquement).
Au Muséum national d'Histoire naturelle, et plus particulièrement au Centre d'Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO), un programme de sciences participatives a été mis en place, il y a plus de 30 ans, pour pouvoir étudier l'impact des activités humaines sur la biodiversité. Ce programme se nomme Vigie-Nature et regroupe plus de quinze observatoires différents.
Ces observatoires visent à échantillonner un grand nombre de sites répartis sur un vaste territoire dans le but d'alimenter le travail des chercheurs et leur permettre de répondre à des questions d'écologie. Notre ambition est d'atteindre une grande puissance d'observation, comparable à ce qui existe dans les domaines du climat ou de l'économie.
L'ensemble de ces observations permet d'évaluer l'état et la dynamique de la biodiversité, dans l'ensemble des régions, des départements, voire des communes. Grâce à ces suivis à large échelle spatiale et temporelle, les scientifiques de Vigie-Nature peuvent étudier d'éventuelles relations entre l'abondance de certaines espèces (composition des communautés) et d'autres types de variables (température, degré d'urbanisation, utilisation de produits phytosanitaires...).
Fondamental : A retenir !
Pour résumer, Vigie-Nature est un label qui regroupe une quinzaine de programmes de sciences participatives qui ont tous pour objectif de suivre des espèces communes (faune et flore) à l'échelle nationale, grâce à des réseaux d'observateurs volontaires. Les scientifiques à la base de ce programme cherchent à évaluer l'impact des changements globaux (urbanisation, agriculture intensive, réchauffement climatique...) sur la biodiversité ordinaire.
Définition : Définition d'un suivi
Au contraire d'un inventaire qui n'a lieu qu'une fois, un suivi est la répétition d'une étude dans le temps et dans l'espace afin de détecter l'influence de multiples variables (température, degré d'urbanisation, utilisation de produits phytosanitaires etc.) sur les répartitions et les abondances d'espèces.
Définition : Définition d'un inventaire
Un inventaire consiste à faire la liste de toutes les espèces que l'on observe en un temps et un moment donné.
Pourquoi les données doivent-elles être récoltées suivant un protocole standardisé ?
Pour que la masse de données récoltée soit exploitable, il est indispensable que la collecte soit issue d'un protocole standardisé, respecté sur l'ensemble des sites suivis, par l'ensemble des participants et maintenu au fil du temps.
La loi des grands nombres fait le reste : la puissance et la précision des analyses augmentent avec la quantité de données collectées, tandis que les incertitudes liées au hasard s'estompent.
Les exercices proposés ensuite vous permettront de mieux comprendre l'importance de la collecte de données en respectant un protocole, même simple.
Vigie-Nature concrètement !
Qui peut participer ?
Vigie-Nature est accessible à tous que l'on soit naturaliste ou simple amoureux de la nature !
Vous pouvez participer à titre personnel mais également dans le cadre de votre travail en tant gestionnaires d'espaces verts, agriculteurs ou enseignants.
Après la collecte, l'exploitation des données
Les données des différents observatoires sont en accès libre et destinées à être transmises à qui le souhaite. Les principaux bénéficiaires sont les chercheurs du Muséum national d'Histoire naturelle (en écologie et en sciences humaines) mais également les collectivités, Ministère, associations, ONF, bureaux d'étude... Ces suivis à large échelle et à long terme des espèces communes permettent de répondre à des questions essentielles sur la biodiversité ordinaire. Parmi elles :
Quelles espèces de notre faune et de notre flore commune augmentent en fréquence ou au contraire tendent à diminuer ?
Comment les espèces communes réagissent-elle aux différentes pressions d'origine humaine (fragmentation des milieux, intensification ou déprise agricole, urbanisation) ?
Quel est l'impact des changements climatiques sur ces espèces ?
Notre faune et notre flore communes sont-elles sujettes à une homogénéisation croissante, autrement dit un déclin général des espèces spécialistes au profit de quelques espèces généralistes ? Cela a déjà été observé chez les oiseaux et les papillons, reste à analyser d'autres groupes, comme la flore, les chauves-souris, les escargots.
Voici quelques exemples de recherches menées :
En 2017, grâce aux comptages réguliers des naturalistes amateurs du STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs), les chercheurs ont déterminé qu'un tiers des oiseaux agricoles avaient disparu dans les campagnes françaises en 15 ans.
En 2019, grâce aux botanistes amateurs de Vigie-Flore nous avons montré que les composition des communautés de plantes a changé entre 2009 et 2017 : la végétation est composée de plus en plus d'espèces tolérant bien les températures élevées, au détriment des espèces préférant les climats plus frais.
En 2015, grâce aux participants à l'Opération papillons, nous avons observé que l'usage ne serait-ce que d'un pesticide diminue en moyenne de moitié le nombre d'espèces de papillons observées dans les jardins. Et ce quel que soit leur surface et leur emplacement (en ville ou à la campagne).
Les données alimentent également des bases européennes ! Les indicateurs Oiseaux (European Bird Census Council (EBCC) et Papillons (Butterfly Conservation Europe) utilisent, entre autres, les données de Vigie-Nature.
Depuis 30 ans, et grâce à ses 20 000 participants annuels, Vigie-Nature est à l'origine d'une production scientifique conséquente : 12 thèses de doctorat, plus d'une centaine de publications d'articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, 37 rapports de stage, 259 documents divers produits...
L'ensemble de la bibliographie produite par Vigie-Nature est accessible sur le site du programme en suivant ce lien [Lien externe].