Évaluer la biodiversité
Pourquoi évaluer la biodiversité ?
On sait que les activités humaines ont un impact sur la diversité biologique. Il apparaît donc comme nécessaire d'identifier l'état de la biodiversité au fil du temps. Pour mieux comprendre son évolution, il faut la mesurer, l'évaluer. Grâce à une méthodologie scientifique et standardisée, les suivis de biodiversité permettent de donner des indicateurs qui pourront alors être mobilisés sur des questions scientifiques, sociétales ou politiques.
Quelques exemples :
L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature propose depuis plus de 50 ans un inventaire mondial des espèces animales et végétales et a ainsi créé une liste rouge des espèces menacées. Ces évaluations ont favorisé la mise en place de nombreuses mesures pour leur conservation. Depuis 2014, il est également possible de suivre l'état de santé des écosystèmes au niveau international.
Le Muséum National d'Histoire Naturelle a développé un suivi temporel des oiseaux communs qui a été retenu par l'Union européenne comme un des indicateurs de biodiversité.
L'Observatoire National de la Biodiversité développe divers indicateurs qui permettent de documenter dans son ensemble les orientations et objectifs de la Stratégie Nationale de la Biodiversité. Ces indicateurs permettent de “changer la perception des enjeux sur la crise de la biodiversité, en qualifier les causes et les conséquences à l'échelle nationale, suivre la prise en compte du problème par la société”.
Pour pouvoir orienter les décisions des politiques publiques, et pour mieux comprendre les interactions de l'homme avec l'environnement, ces indicateurs doivent être mis en relation avec les différentes pressions exercées sur cette biodiversité. Ils doivent répondre au modèle E- P- R développé par l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) :
État : évalue les changements d'état de la diversité biologique
Pression : évalue les pressions exercées par les activités humaines
Réponse : évalue les effets des mesures prises pour la préservation de l'environnement
La complexité des écosystèmes implique d'utiliser plusieurs types d'indicateurs car ils sont souvent complémentaires.
Complément : Quelques ressources :
Le bilan 2019 de l'ONB consacré aux causes du déclin du vivant [Lien externe]
Une vidéo de R. Julliard, professeur d'Ecologie au MNHN : Qu'est-ce qu'un indicateur de biodiversité ? Quels défis ? Quels enjeux ? [Lien externe]
Comment la biodiversité est elle évaluée ?
Comme nous l'avons vu précédemment, le nombre d'espèce est incroyablement élevé, et si l'on compte en plus la diversité infra-spécifique les chiffres deviennent encore plus difficiles à appréhender. Nous n'avons pas encore découvert ni décrit l'ensemble des espèces. Pourtant nous sommes en mesure de faire des suivis de cette biodiversité. Il ne s'agit pas de compter l'ensemble des individus de chaque espèce de la Terre chaque année, car nous en serions incapable, mais d'échantillonner cette biodiversité pour en déduire les tendances.
Ces échantillonnages prennent plusieurs formes. Il peut s'agir d'expéditions scientifiques, de relevés sur des stations biologiques ou de sciences participatives. Ces échantillonnages vont toujours être le résultat de compromis entre la précision de la mesure, le coût de celle-ci et l'ampleur de l'échantillonnage réalisé.
Par exemple pour suivre les oiseaux :
On peut les observer directement. Cette mesure est simple à réaliser mais elle ne permet pas de détecter les oiseaux cachés.
On peut les écouter. L'identification par le chant est plus difficile que par la vue et l'échantillonnage sera donc de moins grande ampleur et seuls les oiseaux qui chanteront lors de l'échantillonnage seront détectés.
Enfin, on peut les capturer et les marquer comme dans le cadre du bagage pour avoir accès à des informations précises telles que la survie des oiseaux, leur âge, leur poids et beaucoup d'autres variables importantes pour évaluer l'état de santé des espèces. Cette dernière méthode est très lourde à mettre en œuvre et ne peut être pratiquée de façon trop intensive car elle est invasive pour les espèces.
Les oiseaux sont très bien connus et très suivis. Mais il y a beaucoup d'autres espèces dont les populations doivent être évaluées. Le plancton par exemple est beaucoup plus difficile à observer. Il est dans un environnement peu accessible, sa diversité est très grande et pour son étude, il est de plus en plus nécessaire de faire appel au séquençage, c'est à dire à l'analyse de l'ADN. La fondation Tara Océan est connue pour ses expéditions dans ces milieux et a notamment étudié une diversité encore moins connue, celle des virus dans l'océan Arctique.
Ces méthodes moléculaires utilisées conjointement aux méthodes classiques permettent d'avoir des informations complémentaires et d'améliorer nos suivis de la biodiversité. Par exemple l'utilisation de l'ADN environnemental dans les milieux aquatiques (détection des espèces par des méthodes d'analyse de l'ADN dans l'eau) pourrait permettre de limiter le nombre de pêches classiques réalisées pour évaluer les populations.
Les données collectées sont ensuite traitées et des outils de modélisation recoupant les informations de plusieurs sources permettent de faire une estimation de l'état de diversité à une échelle globale et d'étudier les pressions qui pèsent sur la biodiversité. Ces méthodes permettent la production de différents indicateurs écologiques. Il en existe une très grande variété. Certain sont généraux, d'autres très spécifiques des espèces étudiées. Ces derniers incluent généralement des informations précises en lien avec le milieu dans lequel les espèces se trouvent.
Complément : Des ressources complémentaires :
Quelques indicateurs
S'il peut être complexe de définir des indicateurs face à cette diversité biologique, on s'appuie notamment sur deux grands types d'indicateurs : l'abondance et la diversité.
L'abondance d'une espèce est le nombre total d'individus de cette espèce observé dans un espace donné durant une session d'observation et selon un protocole donné.
La diversité spécifique correspond au nombre d'espèces distinctes observées.
Cependant, ces indices bien que simples, sont très sensibles à la taille de l'échantillon et à l'effort d'échantillonnage. Ils ne prennent pas non plus en compte les interactions entre espèces, qui, comme nous l'avons vu dans le module précédent, sont d'importantes composantes de la biodiversité d'un écosystème.
Rappelons également que le concept d'espèce n'existe pas dans la nature, c'est une délimitation purement arbitraire faite par l'Homme. La biodiversité est caractérisée par des populations qui évoluent au cours du temps. Les indicateurs de biodiversité ne fournissent donc que des estimations approchées de la biodiversité réelle d'un écosystème.
Il existe donc des indicateurs qui se fondent sur d'autres critères que l'espèce comme le régime alimentaire par exemple ou la distance génétique entre les individus.
Les indices plus complexes intègrent donc des corrections mathématiques pour prendre en compte les limites évoquées plus haut telle que la taille de l'échantillon. Pour l'effort d'échantillonnage, en revanche, seules les données issues de protocoles précis peuvent être utilisées pour produire un indicateur. Les corrections mathématiques ne peuvent être appliquées que si l'on connaît les différences existant entre les données comme par exemple la durée de la session d'observation.
Il est également possible de créer des indicateurs encore plus complexes qui vont prendre en compte les répartitions attendues des espèces. Par exemple, dans un cours d'eau rapide on s'attend à avoir un certain type de poissons et dans un cours d'eau plus lent d'autres espèces. On va ensuite comparer les listes d'espèces obtenues à des références et pouvoir conclure sur l'état du milieu. On peut également attribuer des niveaux de sensibilité aux perturbations pour chaque espèce et donner un score qui donnera une idée du niveau de perturbation de ce milieu.
Certaines espèces, plus sensibles aux perturbations d'un milieu, peuvent également être sélectionnées comme indicatrice de la qualité de celui ci. On peut par exemple noter que les moules perlières sont très sensibles à la pollution et la température des cours d'eau. La disparition de celles ci dans les cours d'eau français a été concomitantes avec l'augmentation de la pollution et la hausse des températures de ces derniers. La disparition des ces populations de moules d'eau douce est donc un indicateur fiable de la dégradation de leur milieu de vie.