L'état de la biodiversité actuelle en France

Bilan des connaissances

Lorsqu'on évoque la France, on pense en premier lieu à la métropole. Mais c'est aussi ses outre-mer répartis sur presque tous les continents et toutes les latitudes, et son immense espace maritime, le plus grand après celui des États-Unis d'Amérique. C'est donc toute la biodiversité de ces territoires qu'il faut prendre en compte lorsqu'on veut en faire le bilan. On conçoit d'emblée que cette biodiversité française est remarquable tant dans sa quantité que sa qualité, et que la responsabilité de l’État français pour sa préservation est particulièrement importante.

La biodiversité peut s'appréhender à divers niveaux (du gène à l'écosystème). Mais c'est surtout au niveau spécifique que sont collectées les informations qui permettront d'en évaluer l'état. Idéalement, au-delà de la détermination des espèces, il est souhaitable d'en quantifier les effectifs. Mais c'est souvent difficile, voire impossible. En effet, une estimation fiable nécessite de connaître, pour une espèce donnée, la proportion des individus contactés lors du dénombrement. Hormis pour les grosses espèces, facilement repérables et aux effectifs faibles, l'acquisition de cette information nécessite le déploiement de techniques plus ou moins coûteuses en temps et/ou en argent. La valeur de la biodiversité est donc généralement exprimée simplement sous la forme d'un nombre d'espèces (richesse spécifique). Pourtant, certaines espèces ont une valeur patrimoniale importante, parce qu'elles sont endémiques, ou qu'elles sont attachées à des habitats très particuliers, ou qu'elles jouent un rôle clé dans le fonctionnement d'un écosystème... Ainsi, la biodiversité spécifique n'est pas juste une affaire de nombre, en effet un habitat dont la richesse spécifique est faible n'est pas nécessairement moins intéressant qu'un habitat dont la richesse spécifique est forte.

La richesse spécifique d'un espace géographique donné dépend beaucoup des groupes taxonomiques présents (certains groupes ont naturellement peu d'espèces) ainsi que de la diversité des habitats présents dans cet espace. Mais il ne faut pas oublier que les valeurs affichées reflètent souvent plus l'état des connaissances sur cet espace à un instant T que son niveau réel de biodiversité spécifique. Ainsi, de nombreux groupes d'invertébrés ont, en France au moins, été peu inventoriés. Dans d'autre cas, c'est la connaissance taxonomique des espèces qui est incomplète, même pour les groupes qu'on croyait bien connaître. Par exemple, au moins 8 espèces nouvelles de Mammifères ont été recensées ces dernières années en métropole, non pas parce qu'elles n'avaient jamais été observées auparavant sur notre territoire, mais parce qu'elles avaient été confondues avec d'autres espèces (espèces cryptiques). Les chiffres doivent donc toujours être interprétés et comparés avec prudence.

Part des espèces françaises dans le monde.Informations[1]

Fin 2018, le nombre d'espèces inventoriées en France est environ 182 000 (96 000 en métropole et 86 000 en outre-mer), soit 10% des espèces décrites dans le monde. On connaît moins d'espèces en outre-mer qu'en métropole. Pourtant, on estime que 80% de la biodiversité s'y trouve. L'inventaire des espèces d'outre-mer est donc loin d'être terminé. Pour les groupes taxonomiques qui sont bien inventoriés, on retrouve effectivement plus d'espèces en outre-mer qu'en métropole, à l'exception des champignons à chapeau, des lichens et des araignées.

Les espèces inventoriées en France.Informations[2]

La répartition des espèces entre le milieu marin (environ 41 000 espèces) et le milieu continental (environ 141 000 espèces) est très inégale. Mais ces données, là encore, ne font que refléter la connaissance que nous avons de ceux-ci : le milieu continental est bien mieux connu que le milieu marin ! Pourtant, il ne l'est pas encore totalement. De nombreuses espèces peuvent encore être découvertes en milieu continental terrestre à très grande profondeur : milieu encore très peu exploré. En métropole, si on ne tient compte que des groupes d'espèces les mieux inventoriés, la richesse spécifique est maximale en milieu méditerranéen et diminue quand on va vers le nord.

Proportion relative d'espèces présentes : des départements plus riches que d'autres.Informations[3]

La valeur patrimoniale des espèces

Comme nous l'avons déjà vu, la biodiversité ne peut pas se résumer à un nombre d'espèces. Certaines espèces ont plus de valeurs d'un point de vue patrimonial que d'autres et mériteront une attention particulière. C'est le cas des espèces endémiques. A l'autre bout de ce gradient, on trouve des espèces qui pour certaines sont indésirables. C'est le cas des espèces exotiques envahissantes (EEE).

On définit l'endémisme par rapport à une entité géographique (un pays, une montagne, une mer...) : toute espèce présente uniquement dans ce territoire y est endémique. Environ 19400 espèces sont endémiques de France, soit 11% des espèces françaises actuellement recensées.

Proportion d'espèces endémiques en FranceInformations[4]

La plupart vivent en outre-mer (84% des espèces endémiques), les îles étant propices à la naissance de telles espèces. Les îles les plus éloignées des continents ou celles isolées depuis très longtemps ont d'ailleurs un taux d'endémisme très élevé. Ainsi, 57% des espèces terrestres ou d'eau douce de Nouvelle-Calédonie sont endémiques. Ce chiffre s'élève à 44% en Polynésie Française. A contrario, la Guyane et la métropole ont des taux d'endémisme inférieurs à 10%. L’État français a une très forte responsabilité pour ces espèces endémiques puisqu'il est le seul à pouvoir en garantir la pérennité.

Endémisme des espèces terrestres d'eau douceInformations[5]

Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont des espèces introduites par l'Homme et qui, après s'être répandues, menacent la biodiversité des espaces colonisés (espèces, habitats...) ainsi que les intérêts humains (cultures, élevages, biens, santé...). A l'instar des espèces endémiques, les EEE sont plus nombreuses dans les îles d'outre-mer qu'ailleurs. C'est certainement en partie à cause du commerce maritime et des nombreuses importations dont elles font l'objet. Mais surtout, l'impact négatif des espèces introduites est beaucoup plus fort sur les îles, surtout de petite taille, que sur le continent. En effet, leurs surfaces réduites laissent peu de place à des refuges où les espèces et leurs habitats seraient à l'abri des envahisseurs. Par ailleurs, les habitats et les espèces ont beaucoup plus de mal à récupérer leurs surfaces initiales ou leurs effectifs suite à une régression provoquée par une EEE, une recolonisation par des individus venus de l'extérieur étant plus difficile que sur le continent. Ainsi, toute espèce introduite peut rapidement devenir une EEE. La présence de nombreuses EEE sur les îles est d'autant plus dommageable que celles-ci hébergent de nombreuses espèces endémiques : la perte d'une de celles-ci est irréversible, sauf si, par chance ou précaution, des spécimens vivants étaient conservés ex-situ. Notons au passage que l'EEE ayant causé le plus de dégâts et de disparitions d'espèces est très certainement l'Homme... En France donc, 74% des EEE se trouvent en outre-mer. Ce sont surtout des plantes (64% des EEE) mais on en trouve aussi chez les Mollusques, les Crustacés, les Insectes, les Poissons, les Amphibiens, les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères.

Les tendances et les menaces

Une lecture peu attentive pourrait nous faire croire que la biodiversité a augmenté ces dernières années en France, le nombre d'espèces recensées ayant lui-même augmenté. Mais comme nous l'avons déjà noté, c'est avant tout notre connaissance de la biodiversité qui a augmenté. Quand on regarde l'évolution démographique des groupes d'espèces les mieux connues, les constats sont plus sombres. Il n'y a eu pratiquement aucune disparition d'espèces en métropole ces dernières années. Mais les effectifs de beaucoup d'entre-elles ont diminués : 22% de déclin de 10 granivores les plus communs en 20 ans dont 51% pour le Verdier, 53% de déclins des plantes dépendant des Insectes (eux aussi en déclin), 33% de déclin des Pipistrelles communes... Heureusement, quelques groupes s'en tirent mieux, même s'ils demeurent menacés. Ainsi, les populations de grands Mammifères prédateurs ou les Oiseaux rapaces voient leurs effectifs augmenter. C'est le cas aussi des Chauves-souris cavernicoles.

L'UICN international évalue le risque d'extinction des espèces mondiales. Celles dont le risque est le plus élevé (catégories CR = en danger critique, EN = en danger et VU = vulnérable) sont appelées « espèces menacées ». On en dénombre 27 000 sur les 98 500 évaluées. La France, de par ses outre-mer, est le 6e pays au monde en hébergeant le plus. Le MNHN et le Comité français de l'UICN mènent depuis 2009 l'évaluation du risque de disparition du territoire national des espèces françaises, une espèce pouvant être menacée en France mais pas au niveau mondial, comme c'est le cas de l'Ours brun. La proportion d'espèces menacées est très variable d'un groupe taxonomique à l'autre et d'un territoire à l'autre. Elle peut aller de quelques % pour les Amphibiens de Guyane à 43% des plantes autochtones de Mayotte. Parmi les espèces menacées en France, beaucoup (640, soit 6% des espèces évaluées) sont endémiques.

Les menaces qui pèsent sur la biodiversité française sont nombreuses et les pressions qu'elles exercent sur elles sont croissantes (voir les indicateurs de l'Observatoire National de la Biodiversité). Citons par exemple l'artificialisation et la fragmentation des territoires et en particulier des cours d'eau, la pollution des sols et des eaux, les EEE, la surexploitation des ressources... et, bien sûr, le changement climatique.

ComplémentDes chiffres sur la biodiversité en France

Télécharger le livret 100 chiffres expliqués sur les espèces [PDF] de l'INPN